Le Takfir des Gouverneurs

Peut-on vraiment désobéir aux gouverneurs ?

Cette équivocité, du fait de leur ignorance, a poussé les adeptes de l’idéologie terroriste à désobéir aux gouverneurs. En fait, ils ont mal interprété la parole d’Allah :

« Et ceux qui ne jugent pas d’après ce qu’Allah a fait descendre, les voilà les mécréants. » [La table servie, al-Maïda, verset 44]. Dans leur explication de ce verset, les exégètes musulmans se réfèrent à l’assertion célèbre d’Abd Allah Ibn Massôud, qu’Allah l’agrée, selon laquelle la mécréance évoquée ici n’est pas celle qui autorise l’exécution de l’accusé et la confiscation de ses biens.

1. Les conditions du takfir

Pour que son application soit légitime d’un point de vue religieux, l’excommunication exige deux conditions incontournables :

Première condition : Il faut que la mécréance soit reconnue par les textes en tant que mécréance majeure qui retranche la personne de la religion.

Deuxième condition : Il faut que la personne accusée réponde à tous les critères qui font de lui un excommunié. Il importe alors que celui qui émet le jugement ait une connaissance approfondie non seulement des règles et des fondements (ousoul) de la Charia, mais aussi des différentes sources en la matière ; il doit en déduire par conséquent que la mécréance dont il s’agit retranche vraiment l’accusé de la communauté des Musulmans et vérifier que les conditions de l’excommunication se sont réalisées.

2. Les empechements du takfir

Étant donné que l’excommunication est une loi religieuse qui exige d’une part, que certaines conditions soient remplies et d’autre part, qu’aucun empêchement n’entrave son application, il serait indispensable de rappeler les cas qui l’invalideraient. En effet, il faut que la mécréance soit bien réelle et manifeste, que le mécréant reconnaisse et avoue sa mécréance, qu’il soit confronté aux preuves et qu’il en soit informé, car, en général, l’un des trois empêchements suivants serait présents :

a. L’ignorance : La personne jugée mécréante pourrait être ignorante du jugement (d’excommunication) relatif à l’acte qu’elle a commis et qui la retranche de l’Islam.

b. La mauvaise interprétation : La personne accusée (de mécréance) n’a pas bien compris les textes religieux et les a interprétés d’une façon erronée.

c. La contrainte : Un individu pourrait être contraint à se déclarer mécréant (contre son gré). Ce cas a été évoqué par Allah, dans le verset :

« Sauf celui qui y a été contraint alors que son coeur demeure plein de la sérénité de la foi » [Les abeilles, an-Nahl, verset 106]. Ces trois empêchements qui ont été d’ailleurs évoqués par les pieux prédécesseurs (les salafs) confirment l’idée qu’il ne faut jamais accuser une personne de mécréance sans preuve manifeste et incontestable. Allah, a dit :

« Et Nous n’avons jamais puni [un peuple] avant de [lui] avoir envoyé un Messager. » [Le voyage nocturne, al-Isra, verset 15]. Il dit aussi, Exalté soit-Il :

« Ton Seigneur ne fait pas périr des cités avant d’avoir envoyé dans leur métropole un Messager » [Le récit, al-Qasas, verset 59]. Abou Waqed al-Laythi, qu’Allah l’agrée, rapporte que lorsque le Messager d’Allah(sallallahou 'alayhi wa sallam) sortit pour mener l’expédition de Khaybar, il passa à côté d’un arbre que les associateurs nommaient « Dhat Anwatt » et sur lequel ils accrochaient leurs armes. Les compagnons dirent alors au Prophète, paix et bénédiction d’Allah sur lui : « Ô Messager d’Allah ! nous voulons un arbre "Dhat Anwatt” comme le leur ! » Alors Le prophète (sallallahou 'alayhi wa sallam) leur riposta : « Qu’Allah soit Exalté ! Vous avez réagi comme les enfants d’Israël qui ont dit à Moïse : "désigne-nous une divinité semblable à leurs dieux.’’ (al-Araf, verset 138) ; Par Celui qui détient mon Ame dans Ses mains, vous suivrez la voie de ceux qui vous ont précédés. »

Il ne faut pas également excommunier celui qu’Allah et Son Messager n’ont pas excommunié ; sinon, le jugement retourne contre celui qui fait sortir les autres de l’Islam. En fait, le Messager d’Allah(sallallahou 'alayhi wa sallam) a dit : « Si un homme accuse un autre d’incroyance, l’un d’eux mérite bien cette accusation. Si l’accusateur dit vrai, l’incroyance de l’autre est donc attestée, sinon celui qui a entaché son coreligionnaire d’incrédulité la mérite bien ».

Al-Ghazali, qu’Allah lui accorde Sa miséricorde, a dit : « Il faut se garder, autant que possible, d’accuser les autres d’incroyance. En effet, c’est une grave erreur que de tuer les Musulmans et de mettre la main sur les biens de ceux qui accomplissent la Salat, tournent leur visage vers la Qibla et disent publiquement : "Nous attestons qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et que Muhammad est le Messager d’Allah.” Et se tromper en laissant vivre mille incroyants est moins grave que de se tromper en tuant injustement un seul Musulman ».

Le cheikh de l’Islam Ibn Taymiyyah, qu’Allah lui accorde Sa miséricorde, dit : « Pour cette raison, les savants qui suivent la Sounna du Prophète ne considèrent pas comme incroyants ceux qui les contredisent ou qui osent même les excommunier. C’est que l’excommunication relève de la législation islamique. Il n’est pas permis ainsi à quiconque d’y recourir arbitrairement ». On en déduit que l’excommunication est un verdict législatif qui ne sera valide que lorsque ses conditions se réalisent et ses empêchements disparaissent.



Dossier sur le terrorisme :

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